7 jours sur la ligne de partage des eaux entre mer Méditerranée et océan Atlantique dans le Parc Régional des Monts d’Ardèche

Organisé par Pierre Sèche en Vaucluse, le séjour en Ardèche sur la ligne de partage des eaux a satisfait tout autant le géographe, un pied sur le versant océanique et l’autre sur le versant méditerranéen, que l’amoureux des grands espaces et des paysages ou le spécialiste de la pierre sèche. Le Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche a voulu marquer cette ligne imaginaire et pourtant bien réelle par des créations d’œuvres d’art in situ.

Il est impossible en quelques lignes d’évoquer la richesse et la diversité de ces propositions. Je donnerai ma préférence aux réponses données par Gilles Clément et son équipe :  la première découverte fut une Mire imaginée par le paysagiste jardinier édifiée sur un belvédère dominant la tour médiévale de Saint-Laurent-les- Eaux : une échelle en robinier supporte un cadre rectangulaire en métal laqué qui constitue la mire proprement dite ; 6 mâts  de châtaigniers d’environ 7 m de haut sont plantés en avant ;  le cadre dirige  avec précision la  regard sur les mâts dont la pointe biseautée et colorée accompagne une ligne de crêtes qui matérialise cette ligne imaginaire. Cette première Mire sera suivie de 5 autres semblables que distingue la touche de couleur du cadre et des pointes des mâts. Toutes sont aussi justes dans leur implantation sur des sites grandioses. C’est, nous dit Gilles Clément,  « cette relation entre le sentiment d’y être et l’envie de voir que nous avons matérialisée avec les Mires ». Un platelage, à proximité, en lames de châtaignier fixé sans béton, mobilier imaginé par Eric Benqué, incite à la méditation.

En résonance avec le phare bleu de Sonia Friedman, sentinelle immobile sur un sommet vertigineux entre pentes raides vers la Méditerranée et doux vallonnements vers l’Atlantique, Gilles Clément a eu le dessein d’une Tour à Eaux implantée sur un plateau battu par tous les vents ardéchois au pied du Mont Gerbier de Jonc.

Ce fut sur ce site admirable autour de ce très étonnant monument un grand moment d’écoute et d’échange où Yvan Delaye, murailler reconnu et constructeur de l’ouvrage, a su avec son enthousiasme et les mots à la fois poétiques et précis nous faire partager la gestation et la réalisation du projet en seulement deux mois de travail intense. La tour est hérissée de dalles de phonolites « la pierre chantante », plantées en léger biais afin d’accueillir les gouttes d’eau provoquées par le vent froid sur la pierre chaude et de la diriger vers le bassin central d’où, claire et fraîche, elle s’écoule symboliquement à l’est vers le delta du Rhône et à l’ouest vers l’estuaire de la Loire tous deux gravés dans la pierre.

Une dernière œuvre de Gilles Clément, le Belvédère des Lichens, élément d’un autre parcours passionnant, le Sentier des Lauzes, m’a séduite  particulièrement en tant que belle mise en évidence de ce “tiers paysage” qui lui est si cher : les platelages en lames de châtaignier sur lesquelles sont écrit les noms insolites des lichens, se coulent, épousant les moindres aspérités, contre la roche éclairée par les nuances subtiles des lichens. Sa crête déchiquetée et colorée entre en  résonance avec l’arrière-plan les collines aux cônes réguliers et aux verts profonds où se niche Dompnac, un village ardéchois caractéristique.

Nerte DAUTIER